Elle a fait une tentative de suicide au travail, si j’avais su…
J’ai envie de vous faire partager une expérience que j’ai vécue quelques années en arrière et qui me parait toujours d’actualité.
A l’époque, je travaillais en hôpital. Je percevais l’une de mes collègues cadre de santé, que j’appellerai Anna, comme mon rayon de soleil. Anna avait toujours le sourire, une blague à raconter dans les moments difficiles. Elle était LA personne forte du service, celle qu’on contactait en cas de coup dur.
Un matin, on m’apprend qu’Anna est hospitalisée en psychiatrie pour avoir fait une tentative de suicide la veille. Ce fut le choc : comment ? Anna ? Non, ce n’est pas possible… Elle a l’air toujours heureuse… Ce doit être une erreur…
Les langues se sont alors déliées et on m’a raconté que cela arrivait souvent qu’Anna s’enferme dans son bureau pour pleurer. Personne ne l’avait interrogée sur ce qui n’allait pas. Mes collègues partaient du principe qu’ils avaient chacun leurs problèmes et ils n’avaient pas le temps de se « materner » entre eux. Et puis « si elle avait voulu parler de ses problèmes Anna l’aurait fait ! ».
Des excuses bien pratiques pour déculpabiliser mais pas vraiment efficaces !
Car oui, une fois qu’on a dit ça, comment on se sent ? Mieux ? Bien sûr que non, on culpabilise quand même, on s’interroge sur son propre bien-être, sur celui de son entourage.
Au final, au-delà de l’acte lui-même, cette tentative de suicide vient bousculer notre petit monde. Elle nous oblige à nous remettre en question. Elle nous rappelle qu’on peut être très seul(e) parmi une foule de personnes. Elle nous rappelle qu’on croit en de belles valeurs comme l’entraide et la bienveillance mais qu’on n’est pas prêt(e) à les défendre à n’importe quel prix.
Que sommes-nous prêts à faire pour défendre nos valeurs ?
Je veux bien rendre service MAIS…si ça prend pas trop de temps… ça dépend pour qui… si ça ne me coûte pas d’argent… si c’est près de chez moi…si c’est entre telle heure et telle heure…etc.
Nous devons fixer des limites à notre dévouement, c’est nécessaire. Mais nous devons aussi nous poser les bonnes questions !
Est-ce que la personne que j’identifie comme étant en difficulté exprime directement ou indirectement un besoin d’aide ? Est-ce que je suis en mesure de l’aider ? Est-ce que cela me met en difficultés si je l’aide ? Quelqu’un d’autre s’est-il proposé de l’aider si je ne peux pas le faire ?
Nous ne pouvons pas toujours aider directement une personne mais nous pouvons toujours essayer de trouver un relais pour le faire. Agir ce n’est pas seulement se bouger SOI, c’est aussi mobiliser l’entourage ou les professionnels qui gravitent autour de la personne. En entreprise, les interlocuteurs sont nombreux : les collègues, le manager, le service RH, l’assistant(e) social(e) du personnel, la médecine du travail… Tout dépend de la gravité du problème. Il est évident qu’on ne va pas ameuter toute l’entreprise pour une personne qui pleure la perte de son chat. Quoique… Ne vous désengagez pas systématiquement non plus en « refilant le bébé » à une autre personne.
Alors certes, quand il faut agir vite, on n’a pas toujours le temps de se poser toutes les bonnes questions. Dans ce cas, concentrez-vous sur une seule question :
Qu’est-ce qui est le plus urgent en cet instant précis ?
Faut-il que je parte à ma réunion sinon je vais être en retard ou est-il préférable que je prenne un peu de temps pour écouter ma collègue ? La réunion peut être prioritaire, c’est tout à fait possible mais dans ce cas prenez 1 minute pour dire à votre collègue que vous entendez sa détresse et que vous prendrez le temps après la réunion de l’écouter. Puis prévenez un(e) collègue de la situation. Dans les situations où vous devez agir vite, questionnez-vous sur l’urgence et l’importance de la chose. Vous agirez ensuite plus sereinement car vous serez en accord avec vos valeurs ou principes.
Bien souvent, nous manquons cruellement de cohérence entre notre discours, nos aspirations et nos actes. Nous devons réapprendre à questionner nos valeurs avant d’agir.
Avant de penser à tous les obstacles et problèmes que l’on pourrait rencontrer en agissant, réfléchissons plutôt aux bénéfices que l’on en tirera.
Si je prends un peu de temps pour écouter ma collègue, elle se sentira plus soutenue et reconnaissante. Si au contraire, je ne fais rien et qu’elle va vraiment mal, elle risque de se mettre en arrêt de travail. Que se passe-t-il quand un(e) collègue est en arrêt maladie et qu’il faut le/la remplacer au pied levé ? Soit la charge de travail est reportée sur le personnel présent soit il faut former une nouvelle recrue. Nous n’avons rien à gagner à ne rien faire.
Réfléchissons autrement, voyons plus loin ! La bienveillance et l’ouverture d’esprit nous feront gagner bien plus de temps et d’énergie et l’ambiance de travail sera bien meilleure.
Par Sabine PENOT
Elle a fait une tentative de suicide au travail, si j’avais su…
J’ai envie de vous faire partager une expérience que j’ai vécue quelques années en arrière et qui me parait toujours d’actualité.
A l’époque, je travaillais en hôpital. Je percevais l’une de mes collègues cadre de santé, que j’appellerai Anna, comme mon rayon de soleil. Anna avait toujours le sourire, une blague à raconter dans les moments difficiles. Elle était LA personne forte du service, celle qu’on contactait en cas de coup dur.
Un matin, on m’apprend qu’Anna est hospitalisée en psychiatrie pour avoir fait une tentative de suicide la veille. Ce fut le choc : comment ? Anna ? Non, ce n’est pas possible… Elle a l’air toujours heureuse… Ce doit être une erreur…
Les langues se sont alors déliées et on m’a raconté que cela arrivait souvent qu’Anna s’enferme dans son bureau pour pleurer. Personne ne l’avait interrogée sur ce qui n’allait pas. Mes collègues partaient du principe qu’ils avaient chacun leurs problèmes et ils n’avaient pas le temps de se « materner » entre eux. Et puis « si elle avait voulu parler de ses problèmes Anna l’aurait fait ! ».
Des excuses bien pratiques pour déculpabiliser mais pas vraiment efficaces !
Car oui, une fois qu’on a dit ça, comment on se sent ? Mieux ? Bien sûr que non, on culpabilise quand même, on s’interroge sur son propre bien-être, sur celui de son entourage.
Au final, au-delà de l’acte lui-même, cette tentative de suicide vient bousculer notre petit monde. Elle nous oblige à nous remettre en question. Elle nous rappelle qu’on peut être très seul(e) parmi une foule de personnes. Elle nous rappelle qu’on croit en de belles valeurs comme l’entraide et la bienveillance mais qu’on n’est pas prêt(e) à les défendre à n’importe quel prix.
Que sommes-nous prêts à faire pour défendre nos valeurs ?
Je veux bien rendre service MAIS…si ça prend pas trop de temps… ça dépend pour qui… si ça ne me coûte pas d’argent… si c’est près de chez moi…si c’est entre telle heure et telle heure…etc.
Nous devons fixer des limites à notre dévouement, c’est nécessaire. Mais nous devons aussi nous poser les bonnes questions !
Est-ce que la personne que j’identifie comme étant en difficulté exprime directement ou indirectement un besoin d’aide ? Est-ce que je suis en mesure de l’aider ? Est-ce que cela me met en difficultés si je l’aide ? Quelqu’un d’autre s’est-il proposé de l’aider si je ne peux pas le faire ?
Nous ne pouvons pas toujours aider directement une personne mais nous pouvons toujours essayer de trouver un relais pour le faire. Agir ce n’est pas seulement se bouger SOI, c’est aussi mobiliser l’entourage ou les professionnels qui gravitent autour de la personne. En entreprise, les interlocuteurs sont nombreux : les collègues, le manager, le service RH, l’assistant(e) social(e) du personnel, la médecine du travail… Tout dépend de la gravité du problème. Il est évident qu’on ne va pas ameuter toute l’entreprise pour une personne qui pleure la perte de son chat. Quoique… Ne vous désengagez pas systématiquement non plus en « refilant le bébé » à une autre personne.
Alors certes, quand il faut agir vite, on n’a pas toujours le temps de se poser toutes les bonnes questions. Dans ce cas, concentrez-vous sur une seule question :
Qu’est-ce qui est le plus urgent en cet instant précis ?
Faut-il que je parte à ma réunion sinon je vais être en retard ou est-il préférable que je prenne un peu de temps pour écouter ma collègue ? La réunion peut être prioritaire, c’est tout à fait possible mais dans ce cas prenez 1 minute pour dire à votre collègue que vous entendez sa détresse et que vous prendrez le temps après la réunion de l’écouter. Puis prévenez un(e) collègue de la situation. Dans les situations où vous devez agir vite, questionnez-vous sur l’urgence et l’importance de la chose. Vous agirez ensuite plus sereinement car vous serez en accord avec vos valeurs ou principes.
Bien souvent, nous manquons cruellement de cohérence entre notre discours, nos aspirations et nos actes. Nous devons réapprendre à questionner nos valeurs avant d’agir.
Avant de penser à tous les obstacles et problèmes que l’on pourrait rencontrer en agissant, réfléchissons plutôt aux bénéfices que l’on en tirera.
Si je prends un peu de temps pour écouter ma collègue, elle se sentira plus soutenue et reconnaissante. Si au contraire, je ne fais rien et qu’elle va vraiment mal, elle risque de se mettre en arrêt de travail. Que se passe-t-il quand un(e) collègue est en arrêt maladie et qu’il faut le/la remplacer au pied levé ? Soit la charge de travail est reportée sur le personnel présent soit il faut former une nouvelle recrue. Nous n’avons rien à gagner à ne rien faire.
Réfléchissons autrement, voyons plus loin ! La bienveillance et l’ouverture d’esprit nous feront gagner bien plus de temps et d’énergie et l’ambiance de travail sera bien meilleure.
Par Sabine PENOT